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Pomaré

 

                           1
 
Tous les dieux de l’amour exultent
dans mon cœur, font sonner
leur fanfare et s’écrient : Salut !
Salut à reine Pomaré.
 
Non point celle de Tahiti -
elle est emmissionnairisée,
celle que je pense est sauvage encor,
une belle encor inapprivoisée.
 
Deux fois par semaine, elle vient se montrer
en public, à son bon peuple,
au jardin Mabille; elle vient danser
le cancan, et aussi la polka.
 
Majesté à chaque pas qu’elle fait,
saluts pleins de grâce et de condescendance,
princesse dans chaque pouce de sa taille,
de la hanche jusqu’au mollet.
 
Ainsi donc elle danse et tous les dieux d’amour
Dans mon cœur font sonner leur fanfare
et crient : Salut !
Salut à la reine Pomaré
 
                           2
 
Elle danse. Comme ondoie son corps délicat !
Que chacun de ses membres a une courbe charmante !
On dirait qu’elle vole - elle s’élance,
à croire qu’elle va jaillir de sa peau.
 
Elle danse. Quand elle tournoie
sur la pointe d’un pied, qu’enfin elle s’arrête
les bras grands étendus, alors
que Dieu ait donc pitié de ma pauvre raison !
 
Elle danse. Mais, c’est la même danse
Que jadis la fille d’Hérodias
dansa devant le roi des Juifs, Hérode.
Ses yeux lancent comme des éclairs de mort.
 
Sa danse me rend fou - je deviens furieux -
dis, femme, que veux-tu que je t’offre en hommage ?
Tu souris ? Holà Gardes! Coureurs!
Qu’on tranche la tête au Baptiste !
 
 
...
 
 
 

Heinrich Heine

 
 
Dance Poetry
A comprehensive anthology
Edited by Alkis Raftis
Copyright 2012

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