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Bal au village
Que de danses le soir égayaient la pelouse !
Plus le jour retirait sa lumière jalouse,
Plus elles s’animaient, comme pour ressaisir
Ce que l’heure fuyante enviait au plaisir.
Chaque arbre du verger avait son chœur champêtre,
Son orchestre élevé sur de vieux troncs de hêtre ;
Le fifre aux cris aigus, le hautbois au son clair,
La musette vidant son outre pleine d’air ;
L’un sautillant et gai, l’autre plaintive et tendre,
S’accordant, s’excitant, s’unissant pour répandre
Ensemble ou tour à tour, dans leurs divers accents,
Le délire ou l’ivresse à nos cœurs bondissants.
Tous les yeux se cherchaient, toutes les mains pressées
Frémissaient de répondre aux notes cadencées.
Un tourbillon d’amour emportait deux à deux,
Dans sa sphère de bruit, les couples amoureux ;
Les pieds, les yeux, les cœurs qu’un même instinct attire,
S’envolaient soulevés par le commun délire,
S’enchaînaient, se brisaient, pour s’enchaîner encor :
Tels, quand un soir d’été darde ses rayons d’or,
Dans le sable échauffé qui brille sur la grève
On voit des tourbillons d’atomes, qu’il soulève,
Monter, descendre, errer, s’enlacer tour à tour,
Comme à l’attrait caché d’un invisible amour,
Dresser en tournoyant leur brillante colonne,
Et danser dans la sphère où le soleil rayonne.
Alphonse de Lamartine