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             Le serpent qui danse

 

 Que j’aime voir, chère indolente,
      De ton corps si beau,
Comme une étoffe vacillante,
      Miroiter la peau !
 
Sur ta chevelure profonde
      Aux âcres parfums,
Mer odorante et vagabonde,
      Aux flots bleus et bruns.
 
Comme un navire qui s’éveille
      Au vent du matin,
Mon âme rêveuse appareille
      Pour un ciel lointain.
 
Tes yeux, où rien ne se révèle
      De doux ni d’amer,
Sont deux bijoux froids où se mêle
      L’or avec le fer.
 
A te voir marcher en cadence,
      Belle d’abandon,
On dirait un serpent qui danse
      Au bout d’un bâton.
 
Sous le fardeau de ta paresse
      Ta tête d’enfant
Se balance avec la mollesse
      D’un jeune éléphant,
 
Et ton corps se penche et s’allonge
      Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
      Ses vergues dans l’eau.
 
Comme un flot grossi par la fonte
      Des glaciers grondants,
Quand l’eau de ta bouche remonte
      Au bord de tes dents,
 
Je crois boire un vin de Bohème,
      Amer et vainqueur,
                             Un ciel liquide qui parsème
                                   D’étoiles mon cœur !
 
 
 
 

Charles Baudelaire

 
 
Dance Poetry
A comprehensive anthology
Edited by Alkis Raftis
Copyright 2012

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