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Pour une danseuse juive

 

Brûle la laine frémissante de ta robe

Et sous le feu de tes genoux la nudité,

Que tes cils par pudeur à présent me dérobent,

Que recouvrent tes yeux d’un voile de clarté.

 

L’écheveau des rayons, comment s’en vêt ton rêve

Et de leurs nœuds où sont la fin et le début ?

Moi qui ne puis passer la blessure à tes lèvres

Je regarde ta bouche et je me sens perdu.

 

J’imagine - j’entends les roches vagabondes,

Les fleuves lumineux qui marchent de concert,

Rien ne peut faire obstacle à leur force qui gronde,

Ils se hâtent, joyeux, pour s’offrir à la mer.

 

Qu’ils coulent ! Leur rumeur emplisse l’étendue ;

Le mer ne connaît plus ni frontières ni grèves ;

Je regarde ta bouche et je me sens perdu

Moi qui ne puis passer la blessure à tes lèvres.

 

     *

 

De nouveau par les rues rumeur de noces passe,

La complainte éveillée des festins anciens.

Seuls sont brisés le violon, la contrebasse,

Seuls sont tués sur le chemin les musiciens.

 

Mais toi danse, les pieds légers comme des ailes,

Et le cœur assourdi de ta propre douleur,

Comme marche à la mort la douce tourterelle,

Porte, porte le deuil des adieux et des fleurs.

 

Te font cortège au loin les astres quand tu glisses

Les yeux écarquillés et la tête penchée,

Tant de mères ainsi marchèrent au supplice

Apportant des fagots à leur propre bûcher.

 

Alors arrache un peu de vie à ta chair lasse,

Danse, et de leur sommeil tire enfin les lointains.

Seuls sont brisés le violon, la contrebasse,

Seuls sont tués sur le chemin les musiciens.

 

     *

 

Ce vin de fusion, il n’en faut point tout boire.

Vois aux treilles trembler des grappes de soleils,

Ils sont mûrs d’un éclat tentateur, illusoire,

Ils vont nous attirer, comme un nectar l’abeille.

 

Nous les suivrons, nous les suivrons jusqu’à l’abîme,

Le franchirons sans demander vers où, vers quoi,

Sans savoir si là-bas quelque chose s’anime

Hors ta chair juvénile et mon chant nu pour toi.

 

C’est bien là le début, la fin de la genèse,

La démesure : ici souffrir est aboli.

Qu’y soit fait notre lit de couteaux et de braises

Nous donnerions la terre entière pour ce lit.

 

Brillent tes genoux. Ta bouche est le seuil où monte

Lumineux ton éclat de prodige insolent.

Jeunesse va s’ouvrir comme s’ouvre le monde,

Nous y disparaîtrons tous les deux en brûlant.

 

 

 

 

            Peretz Markich

 
 
Dance Poetry
A comprehensive anthology
Edited by Alkis Raftis
Copyright 2012

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