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C’est une rue où l’on voudrait
Venir danser ;
Une gaîté surnaturelle
Passe en cadence,
Et lui sourient toutes les dents
De la chaussée.
Comme une cloche du dimanche
Secoue en l’air
Ta joie, ô rue, et moi dedans !
Je me sens rempli
D’âmes élastiques
Qui se heurtent puis
Rebondissent
Ma poitrine vibre
Et j’ai sur le front
Comme un cliquetis
De grêlons.
Le trottoir frémit
Comme l’eau d’un lac
Toutes les familles
Ont dormi.
Ayant du soleil
Et du ciel aux vitres,
Les chambres remuent
Leurs élytres.
Cette rue est comme
Mille abeilles.
Elle est un village
Qui s’est mis en fête ;
Les autres villages
Ont passé le pont ;
On attend qu’il vienne,
Le joueur de vielle
Et d’accordéon.
Je suis à moi seul
Le rythme et la foule ;
Je suis les danseurs
Et les hommes saouls ;
Car la rue est vide
Entre ses murs blancs ;
N’est-ce que ma vie
Qui se saoule et danse ?
Je ne vois personne ;
Mais ils sont tous là !
Les maisons juteuses
Gonflent vers ma joue
Et me font toucher
Leur chair sans vieillards.
Il faudrait si peu
Pour voir brusquement
Les enfants descendre
Par les escaliers ;
Ils fuiraient des chambres
Sans fermer les portes.
Enfourchant les rampes
Ou claquant des pieds.
Il en giclerait
Des arrière-cours,
Des caves où plongent
Les échelles raides,
Et des loges courbes
Où l’ombre est marron.
Il en sauterait aussi des fenêtres.
Et tous, les garçons
Et les filles,
S’étant pris les mains
Dans les mains,
Avec des chansons
Et des cris,
Danseraient soudain
Une ronde.
Mais ce n’est que moi
Qui vais,
Ayant de la joie
Aux veines,
Moi qui dans mon torse
Ouvert
Porte un palpitant
Tumulte ;
Et c’est toi pourtant,
La rue !
Toi qui me remues
Dedans ;
Et nous deux un seul
Qui brûle,
Parce que le ciel
Est bleu !
Jules Romains