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Valse

 

 

La valse – déjà – dans la glace – se mire,
Un beau candélabre – s’en va – tournoyant
Et cent chandeliers – dans la brume chavirent,
Cent glaces – reflètent – les couples – dansants.
 
La poudre – rosée – s’envole – en pollen,
Les cors – tournesols – étincellent là–bas.
Les bras écartés – bras en croix – sur la scène,
Le cristal – le diamant – et la neige des bras.
 
Ils tournent – les yeux dans les yeux – monotones,
La soie – frémissant – sur le nu en secret...
Les plumes – les perles – dans l’air – qui bourdonne.
Un tour – demi-tour – on se suit pied à pied.
 
Minuit – à l’horloge – L’an mil neuf cent dix.
Le sable fin glisse – mesure – du temps.
Viendra la colère – les jeux – finissent,
La mort – sur le seuil – en buisson flamboyant.
 
Au même moment – on voit naître – un poète.
Pour d’autres – pour d’autres – les vers – seront faits.
La nuit – estivale – à descendre– s’apprête,
Les chiens du village – en dérangent la paix.
 
Nul ne sait qu’un jour – son œuvre – sera grande,
La belle – tu valses – ignare – avec lui,
Ta danse survit – à travers la légende,
Mêlée aux guerres et au feu – et au bruit.
 
C’est lui – émergeant – du chaos de l’histoire,
Il te souffle – à l’oreille – regarde – tu vois.
Son front – est sombre – sombre sera sa gloire...
On ne sait – qui chante – la valse – ou bien toi.
 
Soulève le store – et regarde – dehors,
Le monde – est étrange – au regard – enchanté.
La valse serpente – en ses feuilles – en or,
Dehors c’est la neige– que le vent fait voler.
 
Un champ glacé dans une aurore de soufre
S’ouvrira dans la nuit soudain déchirée,
Des foules courent, criant à la mort,
Tu devines à leurs bouches leur cri inaudible.
 
Ce champ qui touche aux limites des cieux
Déborde de sang qui teint la neige en rose.
Sur les corps figés dans la paix des pierres
Le sommeil fumant du matin poudroie.
 
Il y a un fleuve saisi par la glace,
Un cortège d’esclaves sur ses rivages.
Au-dessus du nuage livide, des eaux noires,
Dans le rouge soleil brille le fouet.
 
Là, dans ce cortège qui avance, silencieux,
Regarde, c’est ton fils. La joue balafrée
Saigne, sur ses lèvres, un sourire d’idiot.
Tu hurles ! Il est heureux dans l’esclavage.
 
Tu comprends : il y a une borne à la souffrance.
Au-delà, c’est le sourire serein.
L’homme poursuit son chemin, il oublie
Pour qui il avait lutté, et pourquoi.
 
Il a une révélation de paix bestiale,
En contemplant nuages, étoiles, aurores,
Les autres sont morts, lui ne peut mourir,
C’est alors qu’il meurt doucement.
 
Seule existe – vraiment – la salle si claire,
Les fleurs – la musique – la valse – les mains.
Les glaces – reflètent – le jet des lumières,
Les yeux et les lèvres – le rire – argentin.
 
N’aie pas peur – personne – ne te veut du mal !
Approche des glaces – hausse-toi – un peu.
L’étoile pâlit – dans un ciel matinal
Et tinte – au traîneau – le grelot – si joyeux.
 
 
 
 
 

            Czeslaw Milosz

 
 
Dance Poetry
A comprehensive anthology
Edited by Alkis Raftis
Copyright 2012

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