Joomla project supported by everest poker review.

Paternité

 

Rêverie de la femme qui danse, et du vieux
qui est son père ; jadis il l’avait dans le sang
et il l’a faite une nuit en jouissant tout nu dans un lit.
Elle se presse pour avoir tout le temps de se déshabiller,
car il y a d’autres vieux qui attendent.
Quand elle bondit dans la danse, tous dévorent du regard
la force de ses jambes, mais les plus vieux en tremblent.
La femme est presque nue. Et les jeunes regardent
et sourient, il y en a qui voudraient être nus.
 
Ils ont tous l’air d’être son père, les petits vieux enthousiastes
et ils sont tous, chancelants, le vestige d’un corps
qui a joui d’autres corps. Les jeunes aussi
seront pères un jour, et la femme est la même pour tous.
Tout se passe en silence. Une profonde joie
saisit la salle obscure devant cette vie jeune.
Tout les corps n’en font qu’un, un seul corps
qui se meut en rivant lé regard de chacun.
 
Ce sang, qui coule dans les membres vigoureux
de la femme, c’est le sang qui se glace chez les vieux ;
et son père qui fume en silence pour se réchauffer,
ne bondit pas, mais c’est lui qui a fait la fille qui danse.
 
Son corps a une odeur et des élans qui sont les mêmes
chez le vieux et les vieux. En silence,
le père fume et attend qu’elle revienne, habillée.
Tous attendent, vieux et jeunes, et la fixent ;
et en buvant tout seul, chacun y pensera.
 
 
 

Cesare Pavese

 
 
Dance Poetry
A comprehensive anthology
Edited by Alkis Raftis
Copyright 2012

©