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La Sardane
O toi qui vis le jour dans l'ancienne Lydie,
Et, traversant la mer, vins t'implanter chez nous !
O toi que le danseur, au dieu soleil dédie,
Cet astre qui fait vivre, adoré parmi tous !
Toi qui te répandis à des lieues à la ronde,
D'Emporiæ l'antique au pays alentour ;
Qui cherches à donner aux êtres de ce monde
Cette Fraternité, ce culte de l'Amour
Que tu sais exprimer avec tant d'harmonie,
Tant de grâce et d'ensemble et tant de gravité !
Que ta musique est douce ! Et quelle poésie
Tendre, sentimentale, et quelle majesté !
A deux ou quatre temps, la mesure est rythmée
Et donnée aussitôt par le gai "flabiol".
La sardane commence, acclamée, animée,
Avec son sérieux, avec un entrain fol.
La « tenora », la « tiple », elles mènent la danse,
La « tenora » surtout, aux accents émouvants.
Le danseur doit s'astreindre au plus complet silence,
Et les meneurs de jeu, sardanistes fervents,
Doivent être attentifs aux sons de la musique,
Compter les pas et points, du début à la fin,
Et ne pas oublier qu'il est catégorique,
Qu'il l'a toujours été, d'avoir constamment soin
De commencer la danse et la finir à gauche,
D'y rentrer du dehors, de ce même côté ;
La sardane n'admet pas la moindre anicroche,
Ne souffre aucune faute et le pas est compté.
Danse faite pour tous, danse individuelle !
Son cercle s'agrandit d'un danseur isolé
Lequel bien droit gardant sa pose naturelle,
Prend à droite, la main du danseur installé ;
Le pied doit être agile et suivre la musique,
Dans un petit espace, en bien marquant les points ;
Ainsi la danse aura sa valeur esthétique ;
On lèvera les bras, sans gêner les voisins.
Sardane courte ou longue, au début « danse ronde »,
Le beau travail des pieds, des jambes du danseur,
Procure à celui-ci, joie ardente et profonde,
Et ravit aussi l'œil du joyeux spectateur.
O danse d'union, ô danse fraternelle
Où le pauvre et le riche, où le jeune et le vieux
Sont tous bien accueillis, où l'air de ritournelle
D'une flûte de pâtre amusa nos aïeux !
O toi Pep Ventura, créateur de sardane,
Qui sus, seul, faire rendre, à cette « tenora »,
Sa richesse de tons ! O gloire catalane
Que Jacint Verdaguer, de ses dons, aidera !
De sardanes, tu fus l'innovateur sublime,
Et préféras la «longue» à celle qu'on dansait ;
Tu sus les faire aimer ; leur flamme se ranime
Grâce à ton action virile qui plaisait !
Sardane, danse reine, ô qu'il m'est doux d'entendre
Tes airs harmonieux, ton rythme cadencé,
Et de voir tes danseurs, côte à côte se prendre
Les mains en les serrant, dans leur geste élancé !
Danse où musiciens et danseurs communient,
Où mouvements précis, musique ne font qu'un,
Où les âmes, les cœurs unis se bonifient,
Où tout est fraternel, tout est mis en commun !
Ah ! si tous les humains dansaient la « danse ronde »,
Formant un cercle immense où s'uniraient les cœurs,
La bienfaisante Paix régnerait dans le monde,
En donnant à nous tous le plus grand des bonheurs !
Jean Dagues