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Le bal
Au prince P.A. Viazemski
Le bal était ouvert, les couples tournoyaient,
Les couples se suivaient ;
Visages, vêtements d’un vif éclat brillaient
Et de fraîche beauté.
Fatigué, j’échappai à la foule bruyante ;
Le front contre la vitre,
Je regardais, rêveur, la Néva somnolente,
Ses rives de granit :
Dans ses flots argentés, la lune se baignait,
La lune frémissait.
Tandis que je songeais, là-bas le bal grondait.
Tout à coup, discordants,
S’élancèrent les sons, chacun de son côté,
Et je me retournai.
Je sursautai, le regard fixe, frissonnant...
Je vis, le cœur glacé,
Sous la lumière pâle et dans la salle immense,
Des squelettes passer.
Par couples enlacés, se pressant pour la danse,
Les uns poussant les autres,
Tourbillonnant, cognant le sol de leur talon,
Ils étreignaient leurs os,
Vite, vite, ils tournaient tout autour du salon.
Quand le voile est tombé
Des os, que reste-t-il du charme d’un visage ?
Les rires sont restés.
Elles riaient toujours ces bouches au passage,
Mais semblable chez tous
Est le rire muet de ces bouches trop larges ;
Et mes yeux dans la foule
Se perdaient en cherchant ceux que je connaissais
Et tous se ressemblaient,
Ils s’étaient confondus tous ces danseurs ensemble
Tant les os se ressemblent...
Ce n’était plus qu’un tas d’ossements qui dansait.
Alexandre Odoévski